L’internationalisation du génocide
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Date: 5 avril 2007 09:46:05 GMT-04:00
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Objet: REFLEXIONS DE FIDEL CASTRO
REFLEXIONS DE FIDEL CASTRO
L’internacionalisation du génocide
LA réunion de Camp David vient de conclure. Nous avons tous écouté avec intérêt
la conférence de presse des présidents des Etats-Unis
et du Brésil, et les nouvelles concernant leur rencontre et les opinions
qu’ils ont avancées.
Bien que son visiteur brésilien l’ait pressé au sujet de dispositions
tarifaires et des subventions qui protégent et
étayent la production étasunienne d’éthanol, Bush n’a pas fait la moindre
concession à Camp David.
Le président Lula a attribué cette fin de non-recevoir à la hausse des cours du
maïs qui a été, selon lui, de plus de 85 p. 100
Un peu avant, la principale autorité brésilienne avait exposé dans The
Washington Post l’idée de convertir les aliments en carburant
Je n’ai pas l’intention de blesser le Brésil ni de me mêler de questions ayant
à voir avec la politique intérieure de ce grand
pays. C’est précisément à Rio de Janeiro, qui avait accueilli le Sommet mondial
sur l’environnement, voilà maintenant quinze ans,
que j’ai dénoncé avec véhémence, dans une allocution de sept minutes, les
nuisances environnementales qui menaçaient
l’existence de notre espèce. Bush père, qui était présent à cette réunion en sa
qualité de président des Etats-Unis, a eu la
politesse d’applaudir à la fin, comme tous les autres.
Personne à Camp David n’a répondu à la question cruciale: où et qui? Qui va
fournir les plus de 500 millions de tonnes de maïs et
d’autres céréales dont les Etats-Unis, l’Europe et les pays riches ont besoin
pour produire la quantité de galons d’éthanol que les
grandes compagnies des USA et d’autres pays exigent en contrepartie de leurs
lourds investissements? qui va produire le
soja, les graines de tournesol et de colza dont les huiles essentielles vont
être convertis en carburant par ces mêmes pays
riches?
Un certain nombre de pays produisent des aliments et exportent leurs excédents.
L’équilibre entre exportateurs et consommateurs
était déjà tendu, si bien que les cours ont flambé. Pour être bref, je dois me
borner à signaler ce qui suit.
Les cinq principaux producteurs de maïs, d’orge, de sorgho, de seigle, de
millet et d’avoine, ces céréales que Bush veut
convertir en matière première pour la production d’éthanol, en écoulent
679 millions de tonnes sur le marché mondial, selon des
chiffres récents. De leur côté, les cinq principaux consommateurs, dont
certains sont aussi des producteurs de ces grains, ont besoin
aujourd’hui de 604 millions de tonnes par an. L’excédent disponible est donc de
moins de 80 millions de tonnes.
Or, ce gaspillage colossal de céréales, sans parler des graines oléagineuses,
pour produire du carburant permettrait aux pays
riches d’économiser à peine moins de 15 p. 100 de ce que consomment leurs
voraces automobiles.
Bush a affirmé à Camp David qu’il avait l’intention d’appliquer cette formule à
l’échelle mondiale, ce qui ne signifie rien moins
que l’internationalisation du génocide.
Le président du Brésil, dans son article du Washington Post, publié la veille
de la rencontre de Camp David, a affirmé que
moins de 1 p. 100 des terres arables du pays étaient consacrées à la canne à
sucre destinée à la production d’éthanol. C’est le
triple de la superficie que consacrait Cuba à la production de presque dix
millions de tonnes de sucre avant la crise de l’URSS
et les changements climatiques.
Notre pays produit et exporte du sucre depuis plus longtemps, d’abord à partir
du travail des esclaves, qui finirent par être
plus de trois cent mille dans les premières années du XIXe siècle et qui
convertirent la colonie espagnole en la première
exportatrice de sucre au monde. Presque cent ans après, au début du XXe siècle,
dans la République médiatisée dont la pleine
indépendance fut frustrée par l’intervention étasunienne, seule des immigrants
antillais et des Cubains analphabètes cultivaient
et coupaient la canne. La tragédie de notre peuple était la morte-saison, compte
tenu du caractère cyclique de cette culture.
Les plantations appartenaient à des compagnies étasuniennes ou à de gros
propriétaires terriens d’origine cubaine. Nous avons donc
accumulé plus d’expérience que quiconque en matière d’incidence sociale de
cette culture.
Dimanche dernier, 1er avril, des spécialistes brésiliens affirmaient sur CNN
que bien des terres consacrées à la culture de
la canne dans ce pays avaient été achetées par de riches Etasuniens et
Européens.
Dans mes réflexions du 29 mars, j’ai expliqué les effets des changements
climatiques à Cuba, à quoi s’ajoutent d’autres
caractéristiques traditionnelles de notre climat.
Dans notre île pauvre, qui n’est pas une société de consommation, il n’y aurait
même pas assez de gens pour supporter les rigueurs
qu’implique la culture de la canne à sucre, au milieu de la chaleur, des pluies
ou des sécheresses croissantes. Quand les
cyclones s’abattent sur l’île, même les machines les plus parfaites ne peuvent
couper les cannes couchées et tordues. Des
siècles durant, on ne brûlait pas les cannaies, le sol ne se tassait pas sous
le poids de machines complexes et d’énormes
camions ; les engrais azotés, potassiques et phosphoriques, aujourd’hui
très coûteux, n’existaient même pas, et la saison
sèche et la saison des pluies alternaient régulièrement. Dans l’agriculture
moderne, il n’y a pas de rendements élevés possibles
sans rotation des cultures.
L’AFP a donné, dimanche 1er avril, des informations inquiétantes sur les
changements climatiques que des experts réunis par les
Nations Unies jugent d’ores et déjà inévitables et appelés à avoir de graves
conséquences dans les prochaines décennies.
« Les changements climatiques toucheront largement le continent américain,
provoquant plus de tempêtes violentes et de vagues de
chaleur qui produiront en Amérique latine des sécheresses, des extinctions
d’espèce et même de la famine, selon le rapport de
l’ONU qui doit être adopté la semaine prochaine à Bruxelles.
« A la fin du siècle, chaque hémisphère aura des problèmes d’eau et, si
les gouvernements ne prennent pas de mesures, la hausse des
températures pourrait aggraver les risques de "mortalité, de pollution, de
catastrophes naturelles et de maladies
infectieuses", avertit le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution
du climat (GIEC).
« En Amérique latine, le réchauffement est déjà en train de faire fondre
les glaciers des Andes et menace les forêts de l’Amazonie
dont le périmètre peut finir par se transformer en savane », affirme la
dépêche.
« Compte tenu de la grande quantité de population qui vit près des côtes,
les Etats-Unis sont eux aussi exposés à des phénomènes
naturels extrêmes, comme l’a démontré le cyclone Katrina en 2005.
« Ce rapport du GIEC est le deuxième d’une série de trois qui a
démarré en février dernier par un premier diagnostic scientifique
établissant avec certitude l’existence des changements
climatiques.
« Dans cette seconde livraison de 1400 pages, qui analyse les changements
par secteurs et par régions et dont l’AFP a obtenu un
exemplaire, les experts estiment que, même si l’on prend des mesures radicales
pour réduire les émissions de dioxyde de carbone
dans l’atmosphère, la hausse des températures sur toute la planète dans les
prochaines décennies est d’ores et déjà une certitude »,
conclut la dépêche de l’AFP.
Comme on pouvait s’y attendre, Dan Fisk, conseiller à la sécurité nationale
pour la région, a déclaré le jour même de la réunion de
Camp David que « Cuba ferait partie de la discussion de questions régionales,
et pour aborder non le thème de l’éthanol – sur lequel
le président Fidel Castro convalescent a justement écrit un article jeudi
dernier – mais celui de la famine qu’il a provoquée
chez le peuple cubain ».
Comme ce monsieur mérite une réponse, je me vois obligé de lui rappeler que le
taux de mortalité infantile à Cuba est inférieur à
celui des Etats-Unis. Il peut être sûr qu’aucun citoyen cubain n’est privé de
soins médicaux gratuits. Tout le monde fait des
études et personne ne manque d’offres de travail utile, malgré presque un
demi-siècle de blocus économique et la tentative des
administrations étasuniennes d’amener le peuple cubain à la reddition par la
faim et l’asphyxie économique.
La Chine n’utiliserait jamais une seule tonne de céréales ou de légumineuses
pour produire de l’éthanol. Il s’agit d’une nation à
l’économie prospère qui bat des records de croissance, où aucun citoyen ne
manque des revenus nécessaires pour acheter des biens
de consommation essentiels, bien que 48 p. 100 de la population, qui dépasse
1,3 milliard d’habitants, travaille dans
l’agriculture. Elle s’est proposée au contraire de faire des économies
d’énergie considérables en éliminant des milliers
d’usines qui consomment des quantités d’électricité et de carburant
inacceptables. Elle importe bien des aliments mentionnés
de n’importe quel endroit du monde, les transportant depuis des milliers de
kilomètres.
Des dizaines et des dizaines de pays ne produisent pas d’hydrocarbures et ne
peuvent pas cultiver du maïs et d’autres
grains, ni des graines oléagineuses, parce qu’ils n’ont même pas assez d’eau
pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires.
Lors d’une réunion convoquée à Buenos Aires par la Chambre de l’industrie de
l’huile et le Centre des exportateurs et portant
sur la production d’éthanol, le Hollandais Loek Boonekamp, directeur des
Marchés et du Commerce agricole de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE), a déclaré à la presse :
« Les gouvernements se sont emballés ; ils devraient
garder la tête froide et se demander s’il faut soutenir l’éthanol si fortement.
« La production d’éthanol n’est viable qu’aux Etats-Unis, nulle part
ailleurs, à moins de subventions.
« Ce n’est pas la manne, et nous ne devons pas nous engager à l’aveuglette ».
« Aujourd’hui, les pays développés poussent à ce que les carburants
fossiles soient mêlés aux biocarburants à hauteur de 5
p. 100, ce qui exerce déjà une pression sur les cours des produits agricoles.
Si ce taux s’élevait à 10 p. 100, il faudrait utiliser
30 p. 100 de la surface semée aux Etats-Unis et 50 p. 100 de celle de l’Europe.
Je me demande donc si c’est soutenable. La demande
accrue de cultures à éthanol fera grimper les prix et les rendra plus
instables.» a-t-il conclu.
Les mesures protectionnistes se montent désormais à 54 centimes le gallon,
tandis que les subventions réelles sont encore plus
élevées.
Un simple calcul arithmétique, de ceux qu’on apprend à l’école, permet de
constater qu’il suffit de substituer des ampoules à
basse consommation aux ampoules à incandescence pour économiser, comme je l’ai
dit dans mes réflexions antérieures, des billions de
dollars en investissements et en ressources énergétiques, sans utiliser un seul
hectare de terre arable.
Sur ces entrefaites, des nouvelles publiques en provenance de Washington nous
apprennent, selon l’AP :
« La disparition mystérieuse de millions d’abeilles dans tous les Etats-Unis
met les apiculteurs sur les nerfs et inquiète même le
Congrès qui débattra jeudi de la situation critique d’un insecte capital pour
le secteur agricole.
“Les premiers indices sérieux de cette énigme sont apparus un peu après Noël
dans l’Etat de la Floride, où les apiculteurs ont
constaté que les abeilles avaient disparu.
« Depuis, ce syndrome que les experts ont baptisé Problème de la disparition
des essaims (CCD, selon le sigle anglais) a réduit de
25 p. 100 les essaims du pays.
« "Nous avons perdu plus d’un demi-million de ruches, qui comptent environ
50 000 abeilles chacune", a déclaré Daniel Weaver,
président de la Fédération des apiculteurs des Etats-Unis, qui a précisé que le
mal touchait une trentaine des cinquante Etats. Le
plus curieux, c’est que, bien souvent, on ne trouve pas de cadavres.
« Selon une étude de l’université de Cornell, les abeilles assurent la
pollinisation de cultures évaluées de 12 à 14
milliards de dollars.
« Les scientifiques avancent toutes sortes d’hypothèses, entre autres
qu’un pesticide ait provoqué des dommages neurologiques aux
abeilles et altéré leur sens de l’orientation. D’autres accusent la sécheresse,
voire les ondes des téléphones portables, mais le
fait est que personne se sait vraiment quelle est la cause de ce phénomène. »
Le pire nous attend peut-être : une nouvelle guerre pour contrôler les
fournitures de gaz et de pétrole, qui mettrait l’espèce
humaine au bord de l’hécatombe totale.
Des organes de presse russes, citant des services de renseignement, ont informé
que les préparatifs minutieux de la
guerre contre l’Iran ont démarré depuis plus de trois ans, le jour où
l’administration étasunienne a décidé d’occuper totalement
l’Irak, y déclenchant une guerre civile odieuse et interminable.
En attendant, le gouvernement des USA consacre des centaines de milliards de
dollars à la mise au point d’armes à technologie
hautement perfectionnée, telles celles qui utilisent des systèmes microélectroniques,
ou de nouvelles armes nucléaires qui
pourraient atteindre leur cible à peine une heure après en avoir reçu l’ordre.
Les Etats-Unis se moquent royalement de l’opinion mondiale qui s’oppose aux
armes nucléaires, quel qu’en soit le type.
Démolir jusqu’à la dernière usine iranienne est une besogne technique
relativement facile à exécuter pour une puissance telle
que les USA. Le plus difficile risque de venir ensuite, si l’on déclenche une
nouvelle guerre contre une autre croyance musulmane
qui mérite tout notre respect, tout comme le méritent les autres religions des
peuples du Moyen, du Proche ou de l’Extrême-Orient,
antérieures ou postérieures au christianisme.
L’arrestation de soldats britanniques dans les eaux territoriales de l’Iran
semble une provocation tout à fait comparable à celle
des prétendus « Frères à la rescousse » quand, violant les ordres du
président Clinton, ils se sont introduits dans nos eaux
territoriales et que l’action défensive de Cuba, absolument légitime, a servi
de prétexte à cette administration pour signer
la fameuse loi Helms-Burton qui viole la souveraineté de pays tiers. De
puissants médias ont enseveli cet épisode dans l’oubli.
Beaucoup de gens attribuent le fait que le baril de pétrole ait atteint lundi
presque 70 dollars aux craintes d’une attaque contre
l’Iran.
D’où les pays pauvres du tiers monde tireront-ils les ressources minimales pour
survivre ?
Je n’exagère pas ni ne tiens des propos outranciers : je m’en tiens aux
faits.
Comme on peut le voir, le polyèdre a bien des faces sombres.
(Traduit par l’ESTI) •
Le 3 avril 2007
Fidel Castro Ruz
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